Pandémie, taxes d’importation écrasantes, concurrence impitoyable….depuis quelques années, le secteur du retail sur le continent affronte de nombreuses turbulences (départ de Mr Price Group du Nigeria, de TFG du Ghana et du Kenya, etc…) Ainsi, Shoprite, qui annonçait en grande pompe fin 2018 son implantation au Kenya, a annoncé jeter l’éponge en septembre dernier. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les 2 articles de Jeune Afrique relatant ces faits à 2 ans d’écart ne s’embarrassent pas de chronophages recherches d’art. La même photo d’un homme faisant ses courses devant un Shoprite kenyan est utilisée pour illustrer l’arrivée triomphale et le départ penaud. Preuve s’il en était besoin que ce désamour des retailers pour le Kenya est anecdotique et localisé? Pas sûr.
« Coming for to carry me home »
Les Springboks rentrent à la maison. Après avoir pris l’eau de toute part, le navire des retailers sud-africains (Shoprite, Woolworths, Mr Price Groupe) fait marche arrière, à un moment qui peut sembler étonnant. Le pays a en effet subi la pandémie de plein fouet et se démène désormais face à des perspectives plus que moroses et un chômage de masse. Mais pour ces pragmatiques retailers, il est moins pire de perdre de l’argent chez soi que d’en dépenser à perte ailleurs. Chez Shoprite, la sentence a été sans appel : l’entreprise perd de l’argent depuis 2 ans dans de nombreux pays d’Afrique, et les résultats du premier trimestre de 2020 ont affiché une baisse des ventes de 8,4% sur le continent. Inutile de préciser que la pandémie de Covid, arrivée ensuite, a été le clou sur le cercueil.
Au Kenya, au Ghana, en Angola, au Zimbabwe et au Nigeria, les replis se succèdent. La faute à des contextes extrêmement féroces, et à des systèmes politiques et économiques friables. La volatilité des devises, des droits d’importation extrêmement élevés, et des loyers en dollars ont eu raison des retailers avides de conquêtes. Pour annoncer son départ du Kenya en septembre, Shoprite a ainsi invoqué son impossibilité à obtenir des droits au bail.
La nature a horreur du vide
La mise en place de l’African Continental Free Trade Area initialement prévue en juillet a été repoussée du fait de la pandémie. L’ironie du sort est cruelle : l’initiative de l’Union Africaine sera donc lancée cette année, mais trop tard pour les retailers sud-africains. Or elle va servir à amoindrir les problèmes rencontrés (loyers démesurés qui seront encadrés, facilitation des importations,…) et bénéficiera donc à d’autres. La nature ayant horreur du vide, ces « autres » sont déjà en place : à peine le Shoprite parti du quartier Karen de Nairobi, la plus grande chaîne de retail kenyane, Naivas, repeignait la devanture à ses couleurs.
En parallèle de cela, la pandémie de COVID a largement favorisé l’appétence précédemment craintive des consommateurs pour le commerce en ligne. Les grandes chaînes de supermarché n’ayant plus la côte, raisons sanitaires obligent, l’économie accélère son changement structurel. Ce processus de destruction créatrice, élaboré par Schumpeter, est en marche, et va bousculer les marges et habitudes du retail : va t-on vers un mélange de offline et de online (comme la boutique offline de Alibaba, Hema, où les clients utilisent leurs smartphones pour scanner les produits pour trouver des informations ou des recettes ? Jumia suit la même trajectoire, notamment au Kenya, en transformant des petites boutiques en dépôts logistiques). Au lieu de partir des vieilles habitudes des retailers, réfléchissons en fonction du consommateur : il veut des produits accessibles en termes de logistique, tout en ayant le maximum d’informations sur ces mêmes produits (ce que ne permet pas le 100% online). Dès lors, un modèle hybride semble être la panacée…mais comment le mettre en place ? Le retailer qui répondra à cette question sera un homme (ou une femme) riche. Le repli à la maison des sud-africains est peut être le moment de se pencher sur l’avenir : comment revenir plus forts, plus technologiques et plus locaux que jamais ? « Let’s get started ».